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La planification basée sur l’approche droits de l’Homme

La planification basée sur l’approche droits de l’Homme peut être définie comme un cadre conceptuel et normatif du processus de planification et de programmation, fondé sur la mise en œuvre des normes internationales de protection et de promotion des droits de l’Homme.

Partant de ce principe, l’élaboration des politiques devrait se faire sur la base du « droit » et non pas du « besoin ». La différence entre les deux concepts est notoire étant donné que le droit est ce que mérite l’individu du simple fait d’être un être humain, et peut être imposé par la loi afin de garantir le droit de la personne à une vie digne et que l’Etat s’engage à le mettre en œuvre, tandis que le « besoin » est une aspiration ou une ambition pouvant être légitime sans pour autant être l’objet d’un engagement de la part du gouvernement ou de toute autre partie. Partant de là, le concept de planification basée sur l’approche droit est fondé sur l’intégration des normes internationales (contraignantes) au niveau des politiques, plans et programmes publics. Ces normes contenues dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme sont basées sur des principes importants qui doivent être pris en compte lors des processus de programmation et de planification.

La mise en œuvre de l’approche droits de l’Homme nécessite d’abord la définition des objectifs escomptés en partant de certains droits applicables liés aux normes énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, dans les instruments nationaux, régionaux et internationaux, des droits de l’Homme. Les experts en la matière présentent ce qui suit comme des conditions à laquelle devrait répondre cette intégration :

- L’adoption des normes internationales par la ratification des instruments relatifs aux droits de l’Homme et les intégrer dans des programmes et des politiques publiques ;

- La responsabilisation des gouvernements directement de la mise en œuvre de ces droits en faveur des différents groupes et catégories de leurs citoyens partant du fait que ce sont des droits auxquels ils doivent répondre et non pas des besoins possibles de satisfaire ;

- Appui aux gouvernements dans la mise en œuvre de ces droits et la définition des mesures juridiques que la communauté internationale ou les citoyens peuvent prendre dans le cas où les gouvernements manqueraient à leurs engagements ;

- L’adoption des indicateurs des droits de l’Homme ainsi que des mesures régulières de suivi afin de garantir l’accomplissement de ces engagements juridiques ;

Ce concept implique aussi la nécessité de prendre en considération les principes généraux relatifs aux droits de l’Homme contenus dans les instruments internationaux en tant que conditions essentielles pour l’intégration des droits de l’Homme, à savoir :

Universalité, interdépendance et indivisibilité des droits de l’Homme

Les droits de l’Homme sont universels et indivisibles et tout être humain partout dans le monde peut s’en prévaloir. Ils sont inhérents à la personne humaine qui ne peut les céder volontairement. Nul ne peut non plus priver quelqu’un de ces droits. Les droits de l’Homme sont indivisibles qu’ils soient de nature civile, culturelle, économique, politique ou sociale. En conséquence, ils sont placés sur un pied d’égalité et ne se prêtent pas, a priori, à un classement hiérarchique. Ce principe a été souligné lors de la Conférence internationale des droits de l’Homme tenue à Vienne en 1993 en reconnaissant certaines spécificités à prendre en considération sans pour autant porter atteinte aux principes cités. Les spécificités devraient au contraire être une source de richesse sans porter préjudice aux principes fondamentaux des droits de l’Homme.

La redevabilité

L’approche droit est basée sur l’accroissement du degré de responsabilité et de responsabilisation en définissant les titulaires de droits (ainsi que leurs droits), qui sont aussi les détenteurs de devoirs (les obligations). A cet égard, les engagements positifs (protection et promotion) envers les titulaires de droits et les engagements négatifs (la prévention des violations) en plus des responsabilités à la charge des différentes catégories d’acteurs : des personnes, des communautés et des états, des autorités locales, du secteur privé et des Institutions nationales doivent être pris en compte. Ceci conduit à la création d’institutions et à l’adoption de lois, de politiques, de mesures, de pratiques et de mécanismes essentiels pour la responsabilisation nécessaire en vue de permettre l’accès aux droits, répondre aux réclamations concernant les violations et garantir la redevabilité (accountability). Ceci inclus l’élaboration et la révision des législations nationales, la création de tribunaux, d’instances administratives d’équité et d’arbitrage, des commissions spéciales et des commissions de droits de l’Homme, de manière à conforter l’application des normes internationales à travers des mécanismes locaux et mesurer les progrès réalisés dans le domaine des droits de l’Homme, en exigeant des comptes aux parties responsables des violations des droits de l’Homme.
Concernant tous les droits de l’Homme, au-delà, de la volonté politique, l’Etat doit avoir la capacité de mettre en place des mécanismes législatifs administratifs et institutionnels pour la mise en œuvre de ces droits.

Par exemple, pour Les droits économiques et sociaux contenus dans le Pacte International relatif aux droits économiques sociaux et culturels tels que la santé, l’éducation et le logement, l’Etat s’engage à agir et impliquer au maximum ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans ce Pacte. Le non accomplissement de ces obligations de la part de l’Etat constitue une violation de ses engagements.

Il en est de même pour les droits civils et politiques contenus dans le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, tant que l’Etat s’engage, après ratification, à respecter et à prendre les mesures nécessaires pour consolider le respect, la protection et la mise en œuvre de ces droits. Encore faut-il rappeler la complémentarité et la corrélation entre les différents droits de l’Homme : La réalisation d’un droit dépend souvent, en tout ou en partie, de la réalisation d’autres droits. Par exemple, la réalisation du droit à la santé peut dépendre, dans certaines circonstances, de la réalisation du droit à l’éducation ou du droit à l’information. Dans tous les cas, le control et le suivi sont essentiels pour évaluer les progrès réalisés ainsi que les défaillances.

Aussi la communauté internationale est elle tenue, au côtés de l’Etat en tant que premier responsable de la mise en œuvre des droits, de promouvoir la coopération internationale pour renforcer les capacités, les ressources financières et techniques pour assister les pays en voie de développement.

L’empowerement

Comme il a été mentionné antérieurement, la planification devrait être fondée sur le droit et non pas sur le besoin, de manière à ce que les bénéficiaires d’une politique publique dans le domaine des droits de l’Homme soient des détenteurs et responsables de ce droit tout en insistant sur la centralité de l’être humain dans ce processus de planification et de programmation, ceci à travers ces représentants et par le biais des institutions de la société civile. Le but étant de donner aux personnes la capacité, la force et la compétence nécessaires pour améliorer leurs conditions de vie, développer leur société et être maîtres de leur destin. Ce ne sont pas de simples récepteurs passifs mais des personnes qui participent à l’élaboration des politiques dont ils en bénéficient. Cela implique de cibler comme action la sensibilisation des différentes catégories afin qu’elles puissent accomplir et prendre en charge leurs rôles dans la société, spécialement les personnes aux besoins spécifiques telles que les pauvres, les chômeurs, les expulsés, les handicapés et les marginalisés comme les enfants, les jeunes, les femmes spécialement en milieu rural.

Il s’agit de leur inculquer une confiance et de renforcer leurs capacités pour améliorer leur cadre de vie à travers des programmes, et des activités concrètes, et de les impliquer directement dans les démarches avec eux afin d’éviter une prise unilatérale des décisions de la part de l’élite compétente en la matière.

La participation

La planification fondée sur le droit requiert une forte participation des différents acteurs sociaux telles que : les organisations de la société civile, les associations, les syndicats, les partis politiques, les médias, les minorités, les populations autochtones, les paysans et les agriculteurs, les femmes, les enfants, les personnes âgées …etc. Cette participation doit être réelle, effective et non symbolique étant donné que la priorité doit être accordée à l’ouverture, à la transparence et à l’information des différentes catégories sur les politiques et les plans d’action relatifs aux droits humains pour qu’elles puissent exprimer leurs avis, présenter leurs aspirations. Ceci signifie une participation effective à l’élaboration des projets, des programmes et des activités relatifs à la promotion des droits de l’Homme et au renforcement des institutions compétentes en la matière ainsi que des modalités et des mécanismes de réforme au profit des bénéficiaires et des partenaires.

Le droit de participation est fondé sur les dispositions de la législation internationale des droits de l’Homme, concernant la participation aux affaires publiques par le biais du droit à l’organisation, au rassemblement, à l’expression et à la publication ce qui implique l’existence d’un régime constitutionnel démocratique pluraliste qui garantit à tout individu le droit de voter et à se présenter à des élections libres et directes et insiste sur la participation des catégories démunies dans la prise et la mise en œuvre des décisions relatives à tous les droits.

Dans nombre pays en développement, la réalité montre que les politiques de changement économique et social n’ont pas préparé le cadre adéquat permettant au citoyen de mettre en valeur ses potentialités et son rôle dans la prise de décision relative aux problèmes quotidiens. Il s’agit ici de prendre les mesures nécessaires pour assurer la participation effective des citoyens, réduire l’écart entre les droits des citoyens et leur réalité quotidienne, définir le cadre régissant la relation entre l’Etat et le citoyen, consolider le sentiment d’appartenance à la nation, revivifier le concept des droits inhérents à la citoyenneté, moderniser l’infrastructure politique et administrative régissant la relation citoyen Etat.

Égalité et non-discrimination

Le principe d’égalité et de non discrimination est l’un des principes les plus importants des droits de l’Homme. Les droits de l’Homme sont garantis pour tous : pauvres ou riches, analphabètes ou instruits, hommes ou femmes. Le droit international interdit toute discrimination en matière de jouissance des droits. Tous les êtres humains doivent jouir des droits de l’Homme, sans discrimination d’aucune nature, comme la race, la couleur, le sexe, l’appartenance ethnique, l’âge, la langue, la religion, les convictions politiques ou autres opinions, l’origine nationale ou sociale, le handicap, la fortune, la naissance. La discrimination signifie qu’une catégorie sera favorisée par rapport à une autre, ce qui implique la suppression des lois et des institutions discriminatoires contre n’importe quelle catégorie ou personne, et offrir les moyens nécessaires afin que ces catégories ou ces personnes bénéficient des programmes et des politiques publiques adéquates.

Partant de ce principe, la planification fondée sur l’approche droits de l’Homme suppose l’égalité de tous les citoyens spécialement des catégories marginalisées comme la femme, les personnes ayant des besoins spécifiques, les victimes des catastrophes, les prisonniers et autres.

Par Hamid El Kam, Directeur du Centre de documentation, d'Information et de formation en droits de l'Homme

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