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Hommage à Halima Embarek Warzazi : 50 ans au service des droits de l’Homme

Le Conseil consultatif des droits de l’Homme a organisé une cérémonie d’hommage à Mme Halima Embarek Warzazi pour son engagement au service des droits de l’Homme et au sein des nations unies durant plus de cinquante ans, le vendredi 29 Mai 2009.

Plusieurs personnalités ont pris part à cette cérémonie membres du CCDH, militants des droits de l’Homme et autres acteurs amis de Mme Warzazi.

Membre du CCDH depuis décembre 2002, Mme Halima Embarek Warzazi a été parmi les premières femmes marocaines à exercer des fonctions diplomatiques : ‘Une femme au parcours exceptionnel, riche d’accomplissements et de réalisations …la confiance dont jouissait Mme Ouarzari ainsi que le grand respect et la considération lui a permis de contribuer d’une manière efficace et décisive dans le développement du concept de ‘l’Universalité des droits de l’Homme’ dans ses dimensions juridiques et culturels et de participer dans l’élaboration de conventions internationales principales’ a souligné Mme Latifa Akherbach, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre des affaires étrangères et de la coopération.

Intervenant à cette occasion, le Président du CCDH, M. Ahmed Herzenni, a affirmé que Mme Warzazi, qui est une fierté pour le Maroc, l'hommage qui lui est rendu est bien mérité, ajoutant qu'elle a accompli différentes missions à l'ONU, au moment où même les grandes démocraties n'avaient pas de représentantes au sein de l'ONU.

C'est une diplomate très performante, qui conjugue la force de personnalité, la fermeté, le pouvoir de convaincre et l'élégance, a-t-il précisé, ajoutant que son esprit de patriotisme a fait d'elle une fervente défenseuses des causes nationales.

Mme Ouarzazi a exprimé sa reconnaissance et ses remerciements au CCDH pour cet hommage, ajoutant que c'est l'un des moments forts de sa vie. "Je suis extrêmement émue", de faire l'objet d'une manifestation aussi émouvante que celle-ci, "après 50 années de travail dans le domaine des droits de l'homme et de la défense des causes nationales", s'est-elle félicitée.

Mme Ouarzazi a livré aux présents une allocution témoignant de la richesse de son parcours et certifiant d’un parcours marocain exemplaire. Ci-dessous le texte complet de son témoignage :

Permettez moi de vous dire que je vis, aujourd’hui, un des grands moments dans ma vie et j’en suis extrêmement ému, car qui m’aurait prédit, il y a cinquante ans alors que je franchissais, pour la première fois, en septembre 1959, le seuil des Nations Unies, en ma qualité du déléguée du Maroc, que je ferai l’objet d’une manifestation aussi émouvante pour moi que celle que m’offre aujourd’hui le Conseil Consultatif des Droits de l’Homme.

Ma reconnaissance et mes remerciements vont tout particulièrement à notre Président qui en a pris l’initiative, à notre secrétaire général et à tous ceux qui, au sein de notre conseil, ont assumé l’organisation de cet heureux événement.

Je suis particulièrement touchée par la générosité de l’intervention de notre secrétaire général et du temps précieux qu’il a bien voulu consacré à ce travail en profondeur.

Je remercie de tout mon cœur toutes celles et tous ceux, qui par leur présence ont tenu à me manifester leur amitié et leur affection. Je n’oublierai jamais qu’au cours de ma longue carrière, l’amitié et l’affection m’ont été d’un secours précieux dans des moments parfois difficiles.

Nous avons tous, depuis de longues années, consacré une part de notre vie à la promotion et à la protection des droits de l’Homme. Mais je dois vous avouer que lorsque en 1957. Je quittais l’université de Caire, licence es lettres en main, je n’avais pas encore entendu parler de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Ayant fait toutes mes études en français, la seule déclaration que j’avais été amenée à connaître était celle de 1789, bien que l’enseignement de l’Islam m’avait fait connaître les limites permettant aux membres de la société dans laquelle j’évoluais, de vivre ensemble en harmonie dans la paix et sérénité. De plus, la vie étant le bien le plus précieux des musulmans, celle-ci devait donc pouvoir bénéficier d’un maximum de protection de bien être et de quiétude.

Les frontières du mal et du bien étant bien délimitées, il appartenait à tout un chacun de pratiquer au quotidien le respect de l’autre tout en exigeant la réciprocité.

Il s’agissait bien de droits de l’Homme tels qu’ils sont définis aujourd’hui mais pour moi, là s’arrêtaient mes connaissances en matière de droits que ce soit ceux d’une femme, des enfants, des personnes âgées, des pauvres, des opprimés ou des membres de la société en général.

C’est en arrivant au Nations Unies en 1959, que je fis la découverte de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et que je fus amenée à consacrer cinquante ans de ma vie aux droits de l’Homme.

Comment aurait-il pu d’ailleurs, en être autrement alors que, suivant une logique paternaliste des gouvernements voulant faire preuve d’une certaine évolution de l’esprit en nommant des femmes dans leurs délégations, le mien m’avait tout naturellement assigné comme commission, celle que l’on nommait alors avec un sourire moqueur « la commission des femmes » à savoir la troisième commission ou la commission des questions sociales, culturelles et humanitaires.

En fait, je découvris avec surprise dès mon entrée à la commission que la majorité écrasante des délégués étaient des hommes qui, pendant près de trois mois, devaient se pencher sur des problèmes sociaux, culturels, humanitaires mais encore de droits de l’Homme qui n’avaient rien à voir avec les chiffons et les dentelles.

D’ailleurs, à l’époque, les problèmes de la femme se discutaient uniquement dans le cadre social et il fallut attendre 1991, date de l’élaboration de l’agenda de la conférence mondiale des droits de l’Homme pour que la femme sorte enfin du carcan social dans lequel on l’avait confinée.

Ce qui frappait déjà en 1959, c’était que les problèmes traités par la troisième commission qui pouvaient paraître anodins, s’étudiaient à la lumière des civilisations, des cultures, des religions et surtout des affinités politiques.

Par conséquent, il s’agissait là de questions hautement politisées qui suscitaient des controverses et des polémiques sans fin, notamment, lorsque la commission abordait des points spécifiques des droits de l’homme.

Au cours de ces batailles idéologiques, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme servait toujours de référence lorsqu’il fallait trouver un terrain d’entente ou légitimer un désaccord.

Ce recours à la déclaration se justifiait d’autant plus que, à l’exception des huit abstentions qui avaient marqué sa naissance, la déclaration devait faire l’objet d’adhésions toujours plus grandes au fil des années.

Toutefois, il faut reconnaître que la déclaration révélait cependant des lacunes dont l’une d’entre elles était, sans aucune doute, imputables à ceux des états membres qui, à l’époque, occupaient des territoires en maîtres absolus, d’où l’absence dans la déclaration du principe de l’autodétermination des peuples, ainsi l’article 2 de la déclaration, qui dans son paragraphe un proclame que chacun peut se prévaloir de tous les droits de libertés énoncés dans la déclaration s’est vu diminué, par son deuxième paragraphe qui stipule que, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.

Mais alors, en faisant référence au peuples no autonomes ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté, croyait on vraiment en 1948 que les peuples soumis à l’occupation étrangère pourraient véritablement jouir de la liberté et de tous les autres droits visés par l’article un de la déclaration ?

Enfin, sans vouloir minimiser l’importance de l’événement ayant marqué le 10 décembre 1948, il convient de garder à l’esprit dans la revendication des droits de l'Homme et la nécessite de les protéger ne se sont pas manifestés uniquement en 1948 ou en 1215 à travers la grande charte octroyée aux anglais par Jean sans terre, ou bien, suite à la déclaration américaine d’indépendance ou même encore à travers la déclaration française des droits de l’homme à laquelle d’ailleurs on reproche aujourd’hui l’oubli de la femme.

Des peuples entiers ont puisé leur sagesse et leur code de conduite dans leurs civilisations et leurs traditions. Notons tout particulièrement le code d’Hammourabi souverain de Babylone (1730-1685 avant Jésus Christ) était « venu faire éclater la justice pour empêcher le puissant de faire tort aux faibles ».

La reconnaissance du droit d’être un Homme se retrouve dans les lois, les écrits, les sentences des grands prêtres, des gouvernants, des législateurs et des philosophes bien avant la naissance des grandes religions.

Les religions ont, quant à elles, fixe un code de vie et des lois qui, s’ils avaient été scrupuleusement respectés par les Hommes auraient épargné à l’humanité des souffrances parfois indicibles.

Toutefois, ni les religions, ni les cultures et les traditions n’ont protégé l’homme de la violation de ses droits les plus élémentaires tout au long de l’histoire humaine…

C’est à la suite de la deuxième guerre mondiale qu’est née la conviction générale « que la protection internationale effective des droits de l’Homme est une des conditions indispensables à la paix mondiale et aux progrès de l’humanité »
Et c’est ainsi qu’est née la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme dont le caractère obligatoire de sa mise en œuvre fut proclamé vingt ans plus tard à la conférence mondiale de Teheran.

Elle fut le phare qui illumina le long parcours semé d’embûches et d’obstacles parfois quasi insurmontables que la communauté internationale avait décide d’emprunter pour atteindre les objectifs qu’elle s’était fixés au lendemain de son adoption.

Elle fut à la source de tous les instruments internationaux des droits de l’Homme qui remédièrent à certaines de ces lacunes et qui, au fil des années, se consacrèrent à tous les problèmes se posant à la majorité écrasante des peuples de la terre, et ce dés 1965. je pense notamment à la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciales et aux deux pactes internationaux sur les droits de l’Homme en 1966.

Si je mentionne en particulier ces deux instruments internationaux, c’est un peu par la vanité, mais surtout par la fierté parce que, en 1965, alors que j’assumais la vice présidence de la troisième commission, les délégations me firent l’honneur de me confier la présidence du groupe de travail qui avait été créé pour finaliser l’élaboration du projet de convention sur le racisme. Et en 1966 alors que je présidai la même commission, je gagnai un pari qui semblait impossible à réaliser, et ce en faisant adopter, après deux longs mois de négociations les deux projets de pactes qui avaient circulé pendant près de 17 ans entre la commission des droits de l’homme, l’ECOSOC et l’Assemblée Générale. Qui plus est, les pactes furent adoptés à l’unanimité.

Je dois toutefois reconnaître que le succès d’un ou d’une déléguée aux Nations Unies repose essentiellement sur le dialogue, la volonté d’écouter les autres et de les reconnaître, l’esprit de consensus, la tolérance et le respect mutuel, ce qui naturellement conduit à l’estime et à l’amitié.

Tout au long de ces cinquante ans où j’ai participé à l’élaboration de nombreuses conventions qui exigèrent beaucoup de temps, de patience et de compromis. J’ai eu l’honneur de bénéficier d’appuis et de soutiens sans faille, ce qui m’a permis, entre autres, de réaliser une autre ambition : celle de faire proclamer par les Nations Unies la tenue d’une deuxième conférence mondiale sur les droits de l’Homme ; celle-ci se tint à vienne en juin 1993.

Avec mes cinquante ans de recul, j’en arrive à la conclusion que les Nations Unies, certes, ne sont pas toujours efficaces, manquant d’autorité et malheureusement n’arrivent pas à faire appliquer certaines décisions qui portent sur la mise en œuvre de droits de l’Homme vitaux pour tous les individus et les peuples tels que le droits à la vie, le droit à la liberté et le droit à la sécurité.

Par ailleurs, le nouvel ordre économique international préconisé n’a toujours pas eu lieu et le droit au développement ne figure pas sur papier bien que tous les textes adoptés depuis 1966 mettent l’accent sur la nécessité pour la communauté internationale de s’employer à renforcer et promouvoir la démocratie, le développement et les droits de l’Homme, et ce, à travers une coopération sans faille tant au niveau bilatéral, régional et international.

En fait depuis l’adoption de la déclaration, un très long débat, et je dirai même une grave confrontation s’était instaurée entre les pays développés et les pays en développement sur la priorité à accorder aux droits de l’Homme.

Cette confrontation allait durer plus de trente ans, alors qu’en 1968, la Conférence de Téhéran avait tenu à proclamer dans son article 13 que : « les droits de l’Homme et les libertés fondamentales étant indivisible, la jouissance complète des droits civils et politiques est impossible sans celle des droits économiques, sociaux et culturels ».

Pour les occidents les droits civiles et politiques étaient des droits individuels à arracher aux états alors que les droits économiques sociaux et culturels étaient les droits à réclamer à l’état.

En réalité à l’époque, la guerre froide battait son plein et les socialistes ne voulaient pas entendre parler que des droits économiques alors que les occidentaux voulaient donner la primauté aux droits civils et politiques.

Pourtant, j’ai encore en mémoire une déclaration de l’Ambassadeur Young représentant des Etats-Unis qui m’avait stupéfié, car à l’occasion du trentième anniversaire de la déclaration, il avait énuméré les droits civiles et politiques dont devait jouir tout être humain puis il avait ajouté « mais nous devons comprendre aussi que ces droits sont vides de substance pour quiconque meurt de faim ».

Ce n’est qu’à l’issue de la conférence de Vienne qu’un accord fut enfin réalisé aux termes duquel : « tous les droits sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés … »

Les Nations Unies ont non seulement élaboré des instruments internationaux visant à la promotion et à la protection de tous les droits de l’homme, mais elles ont mis sur pied des organes de surveillance, à savoir les organes conventionnels qui jouent un rôle qui semble se renforcer et ou le dialogue mais la vigilance sans faille peuvent amener les états parties à assumer leur obligations, qu’ils soient grands, petits, riches ou pauvres.

Car quoi qu’il en soit, il n’y pas un pays au monde qui accepterait de gaieté de cœur d’être mis publiquement sur la scellette en raison de violations flagrantes et massives des droits de l’Homme.

La dernière initiative de l’Assemblé générale des Nations Unies créant le Conseil des Droits de l’Homme et le chargement de procédé à une revue périodique universelle de la situation des droits de l’Homme de tous les pays du monde, sans exception, constitue une nette avancée dans le domaine de la protection de tous les droits de l’Homme.

A cet égard, et je conclurai ici mes propos, les Nations Unies ont estimé qu’au niveau des pays, il était important qu’une institution indépendante puisse jouer au niveau national un rôle de suivi dans la promotion et la protection des droits de l’Homme.

Le Conseil Economique et Social, dés le 21 juin 1946 a invité les gouvernements à examiner l’opportunité de créer des groupes d’information ou des comités locaux des droits de l’Homme qui collaboreraient avec eu eau développement des activités de la C D H.

Mais le manque d’enthousiasme pour ce qui n’était qu’une proposition a pris fin en décembre 1977 aux Nations Unies lorsque le groupe occidental qui s’était déjà fait la main avec le Chili, a voulu présenter une résolution condamnant le régime d’Iddi Amin.

Aussitôt le groupe africain tint un conseil de guerre, et de longues négociations eurent lieu sous l’égide de la délégation de l’Inde qui aboutirent à un accord aux termes duquel les Occidentaux retireraient leur résolution et se porteraient co-auteurs d’une résolution indienne demandant à tous les états membres de créer des organes indépendants de droits de l’Homme au niveau national, les Africains durent voter en faveur de cette résolution.

Dans la fiche d’information des Nations Unies sur les institutions nationales, il est dit que : « en gardant ses distances en réalité comme en apparence par rapport au gouvernement en place, un tel organe peut apporter une contribution unique aux efforts déployés par le pays pour protéger ses citoyens et développer une culture respectueuse des droits de l’homme et des libertés fondamentales'. Il ne fait aucun doute que notre Conseil, sous l’égide éclairée de notre Souverain, Sa Majesté Mohamed VI répond, comme il se doit à cette définition.

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