Chantiers de mémoire
Questions à Ahmed Taoufiq Zainabi, chef du département droits collectifs et affaires régionales, chargé du programme réparation communautaireL’aspect mémoire commence à prendre forme dans le programme réparation communautaire, le CCDH vient de signer une convention avec le ministère de l’Habitat pour réhabiliter les centres de détention et les convertir en des lieux de mémoire. Quels sont d’abord les centres concernés ?
Les Centres de détentions concernés par la convention sont Derb Moulay Echerif, Agdz, Tagounite, Skoura et Kelaat Mgouna. La convention prévoit aussi une intervention à l’échelle de Tazmamart .
Pouvez vous nous faire un rappel du processus, comment on est arrivé là ?
A l’issu de son action, l’Instance Equité et Réconciliation a émis, en matière de mémoire et histoire, quatre recommandations principales ayant un caractère national. Il s’agit de :
- l’organisation des archives dans un cadre réglementaire ;
- la mise en place d’une institution chargée de la sauvegarde des archives ;
- la création d’un Institut marocain de l’histoire du temps présent et
- la mise en place d’un musée national de l’histoire.
Ces quatre recommandations font l’objet actuellement d’un approfondissement de la part du Conseil consultatif des droits de l’homme, qui assure la mise en œuvre des recommandations de l’IER, et d’une commission interministérielle.
En plus de ces recommandations à caractère national, d’autres ayant un caractère régional sont intégrées dans le cadre des recommandations relatives à la réparation communautaire pour donner une dimension symbolique à ce programme en plus de sa dimension matérielle.
L’objectif immédiat est de préserver de manière active la mémoire collective régionale liée aux graves violations des droits de l’homme et d’assurer la réconciliation :
• des populations locales avec l’Etat ;
• des populations locales avec les centres de détention secrète ;
• de l’Etat avec une histoire douloureuse mise en oubliettes.
Sur la base des recommandations initiales de l’IER, un premier travail d’opérationnalisation a été réalisé de concert avec les 11 coordinations locales chargées de la supervision du programme réparation communautaire. Ce premier travail a permis de collecter l’avis des acteurs locaux et leur perception de la préservation de la mémoire.
Quels sont les fonds qui seront alloués à ces projets ? C’est à hauteur de combien de dirham ?
Le Montage Financier est en cours de finalisation et nous aurons une idée bien claire au moins pour les travaux de réhabilitation après l’expertise qui sera réalisée par le Ministère de l’Habitat. Mais nous avons déjà une idée approximative sur le budget nécessaire par centre. Pour le centre d’Agdz par exemple on aura besoin de 8 MDH pour les travaux de réhabilitation et d’équipement.
Pour les travaux de réhabilitations nous avons déjà des engagements fermes de la part des Ministères de l’Habitat et de l’Intérieur. Aussi, un accord, portant entre autres sur la préservation des anciens centres de détention, est en cours de ratification avec l’Union Europpéenne et permettrait de mobiliser à cette fin environ 800 000 euros.
Après la signature de cette convention avec le ministère de l’Habitat, quelles sont les prochaines étapes ?
Les étapes prochaines sont au nombre de quatre. La première consisterait à arrêter les modalités de cession des centres de détentions sus cités au CCDH. La seconde à réaliser une expertise technique des cadres bâtis desdits centres en étroite collaboration avec le Ministère de l’Habitat et l’évaluation exacte des coûts de leur réhabilitation. La troisième à enrichir et à compléter la perception finale de la préservation active de ces lieux de mémoire à travers une série d’ateliers dont le premier se tiendra le 22 décembre 2008. Ces trois ateliers seront ouverts à des départements ministériels, à des associations de victimes, à des associations de Droits de l’Homme, à des organisations internationales et à des anciens détenus auxquels seront associés des développeurs, des architectes et des aménagistes. L’objectif final serait de finaliser les propositions initiales tout en prenant en considération les points de vue des concernés et en assurant les conditions de durabilité des projets retenus. La quatrième étape sera la mise en œuvre des différentes perceptions retenues.
Des différents pays qui ont connu des années noires, sont issues de différentes approches de ‘mémorialisation’, quels sont selon vous l’apport et la plus value de l’expérience marocaine ?
Tout en exploitant les acquis des expériences internationales précédentes, je crois que l’expérience marocaine a cédé plus de place aux populations locales pour définir une conception appropriée à la préservation de la mémoire, une conception qui marie l’histoire au développement socio économique.
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