Vous êtes ici : AccueilActualités Les centres de sauvegarde de l’enfance au Maroc non conformes aux normes internationales des droits de l’enfant

PUBLICATIONS À LA UNE

Bulletin d'information

  • Réduire
  • Agrandir

Les centres de sauvegarde de l’enfance au Maroc non conformes aux normes internationales des droits de l’enfant

Le Conseil national des droits de l’Homme a présenté, lors d’une conférence de presse tenue le lundi 20 mai 2013 à Rabat, son rapport thématique sur les centres de sauvegarde de l’enfance qui s’intitule ‘Enfants dans les centres de sauvegarde, une enfance en danger : pour une politique de protection intégrée de l’enfant’.

Conformément à ses missions et prérogatives, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a procédé à l’analyse de la situation des enfants placés sur décision judiciaire dans les centres de sauvegarde de l’enfance (CSE), en vue d’évaluer le degré de conformité des modalités de placement et de prise en charge des enfants aux normes définies par la Convention internationale relative aux droits de l’Enfant (CDE). Dans ce cadre, le Conseil a visité 17 CSE et a tenu plusieurs rencontres avec les acteurs publics (niveau central et local), et associatifs, ainsi qu’avec les enfants et les familles, tout en prenant en considération l’approche genre.
Après avoir constaté que ‘le placement en institution et à la privation de liberté est souvent le premier recours’, le rapport a mis l’accent sur plusieurs contraintes et dysfonctionnements qui font que le processus de placement des enfants dans les centres de sauvegarde, est non conforme aux dispositions de la convention internationale relative aux droits des enfants, ni aux principes directeurs relatives à la justice des mineurs (infrastructures, encadrement, conditions de vie, sécurité, sûreté, la participation de l’enfant à la procédure judiciaire, les mécanismes de recours etc.).

Ainsi le rapport relève que les centres abritent des enfants dont les profils, les âges et les situations sont très variés. Les enfants en situation difficile (retirés de leur environnement familial défavorable, abandonnés et les enfants errants ou mendiants dans les rues) se trouvent dans une institution fermée, privés de leur liberté, partageant les mêmes espaces que les enfants en conflit avec la loi, en attente de jugement ou jugés. Ce mélange ne permet pas une prise en charge des enfants adaptée et pose le problème de la sécurité et de la protection des enfants vulnérables, notamment ceux âgés de moins 12 ans et les enfants en situation de handicap.

Il constate également que le placement des enfants ne prend pas en considération la proximité du lieu de résidence des centres où ils sont placés et que les conditions de vie (hébergement, hygiène, alimentation) ne garantissent pas les droits fondamentaux des enfants. De même, les CSF ne sont pas régis par des normes conformes aux standards internationaux requis en matière d’accueil et de prise en charge des enfants (physiques et matérielles, taux et qualité d’encadrement, sécurité et protection des enfants).

Les droits des enfants placés ne sont pas pleinement garantis, notamment les droits à la santé, à l’intégrité physique, à la protection contre toutes les formes de violence, d’abus et d’exploitation et à une rééducation appropriée. Comme n’est pas garanti le droit des enfants à l’assistance juridique appropriée, ainsi que le droit de l’enfant d’être informé et d’être entendu.

Le rapport relève par ailleurs qu’un grand nombre d’enfants placés est victime de châtiments corporels, de brimades et d’insultes et met en exergue le non respect du droit d’accès des enfants à des mécanismes de recours indépendants garantissant leur protection, ainsi que la non mise en œuvre du suivi post-centre des enfants en milieu ouvert, ce qui affecte grandement le droit des enfants à la réinsertion sociale. Il met l’accent également sur l’absence d’une politique familiale (appui psychosocial, soutien socioéconomique, aide à la parentalité) et de mesures alternatives à l’institutionnalisation (difficulté d’accès à la kafala, absence de dispositifs de familles d’accueil réglementés).

Le Conseil a publié un certain nombre de recommandations d’ordre général adressées au gouvernement et aux ministères de la Justice et des Libertés et de la Jeunesse et des Sport et d’autres à caractère urgent.
Ainsi, le Conseil a appelé à la mise en place d’une politique nationale de protection intégrée des enfants basée sur l’application des principes généraux et dispositions de la Convention internationale relative aux droits de l’Enfant (CDE), en désignant clairement l’Instance en charge de coordonner la mise en œuvre et le suivi de cette politique et en clarifiant les rôles et les responsabilités des principaux ministères et départements concernés.

En matière de formation et de renforcement des capacités, le Conseil recommande la mise en place d’une stratégie de formation (initiale et continue) des différents acteurs intervenant auprès des enfants en contact avec la loi : officiers de police/gendarmerie ; juges, procureurs, juges d’instruction ; équipes éducatives et directeurs des centres ; assistantes sociales/enquêteuses familiales ; avocats.
S’adressant au ministère de la Justice et des Libertés, le CNDH recommande de ne recourir à la privation de liberté qu’en dernier recours, de privilégier la prise en charge en milieu ouvert au placement en institution des enfants en situation difficile, et de garantir aux enfants le droit d’être informé et entendu.

Parmi les recommandations du Conseil également, la révision globale du cadre juridique et administratif des centres de sauvegarde de l’enfance, de manière à garantir l’intérêt supérieur des enfants, d’établir des normes régissant les structures d’accueil des enfants, conformes aux standards requis en matière des droits de l’Enfant, outre la mise en place des mécanismes et modalités de supervision/contrôle de ces institutions.
Et afin de protéger les enfants contre toutes les formes de violence, de maltraitance, d’abus ou d’exploitation, le Conseil considère qu’il est nécessaire de mettre en œuvre des mécanismes de recours pour les enfants, indépendants, aisément accessibles à tous les enfants, sans discrimination aucune et garantir la protection et l’intérêt supérieur des enfants.

Enfin et étant donné la situation préoccupante d’un grand nombre d’enfants placés, le Conseil préconise de réaliser rapidement une évaluation de la situation actuelle des enfants placés afin de procéder à la révision des mesures ordonnées, quelle que soit leur nature, afin de faire bénéficier les enfants des garanties prévues par la loi, et d’évaluer la situation sanitaire des enfants et leur fournir les soins nécessaires. Il a appelé en dernier lieu à L’organisation d’une conférence nationale sur les Centres de protection de l’enfance réunissant l’ensemble des parties prenantes engagées pour la protection des droits de l’enfant, afin d’élaborer une politique publique globale et intégrée de protection des droits des enfants.

Haut de page